Je veux que tout soit consolé...

Publié le par Puck

La Nature est en moi. J'ai levé tous les voiles;

Je sais l'Ennui des grands nuages voyageurs,

Je palpite la nuit dans l'ardeur des étoiles,

Mon sang teint les couchants aux tragiques splendeurs,

Je pleure dans les vents rageurs!

 

Je comprends la tristesse éternelle des bêtes,

La méditation des boeufs, du marabout,

Et l'effort du tronc d'arbre et le spleen des tempêtes,

L'amour de tous les coeurs en mon coeur se résout,

Venez ! Je suis le coeur de tout !

 

Je suis le Bien-Aimé, le Triste. Que tout m'aime.

Votre océan d'amour ma Douleur l'a tari,

J'ai fait de vos sanglots un long sanglot suprême

Que je couve en ce coeur de tous les coeurs pétri;

Soleils ! je puis pousser le Cri !

 

Vos rondes henniront d'angoisse et d'épouvante;

Des signes flamboieront aux cieux ; l'Humanité

S'assoira sur les monts écoutant dans l'attente

Le cri d'amour rouler sans fin répercuté

Aux échos de l'éternité.

 

Mais non ! je ne sais rien. - Je suis la Douleur même

Je souffre d'aimer trop; je sais que c'est mon sort,

Mais j'en veux épuiser la douceur; j'aime, j'aime,

Je veux saigner pour tout, saigner, toujours, encor..,

Pour être épargné de la mort.

 

        VARIANTES ET FRAGMENTS De Jules Laforgue (1860-1887)      

Je veux que tout soit consolé...
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