Les frelons et les mouches à miel...

Publié le par Puck

 A l’œuvre on connaît l’Artisan.

 

Quelques rayons de miel sans maître se trouvèrent :

Des Frelons les réclamèrent ;

Des Abeilles s’opposant,

Devant certaine Guêpe on traduisit la cause.

Il est malaisé de décider la chose.

Les témoins déposaient qu’autour de ces rayons

Des animaux ailés, bourdonnants, un peu longs,

De couleur fort tannée, et tels que les Abeilles,

Avaient longtemps paru. Mais quoi ? dans les Frelons

Ces enseignes étaient pareilles.

La Guêpe, ne sachant que dire à ces raisons,

Fit enquête nouvelle, et pour plus de lumière

Entendit une fourmilière.

Le point n’en put être éclairci.

« De grâce, à quoi bon tout ceci ?

Dit une Abeille fort prudente.

Depuis tantôt six mois que la cause est pendante,

Nous voici comme aux premiers jours.

Pendant cela le miel se gâte.

Il est temps désormais que le juge se hâte :

N’a-t-il point assez léché l’Ours ?

Sans tant de contredits, et d’interlocutoires,

Et de fatras, et de grimoires,

Travaillons, les Frelons et nous :

On verra qui sait faire, avec un suc si doux,

Des cellules si bien bâties. »

Le refus des Frelons fit voir

Que cet art passait leur savoir ;

Et la Guêpe adjugea le miel à leurs parties.

 

Plût à Dieu qu’on réglât ainsi tous les procès :

Que des Turcs en cela l’on suivît la méthode !

Le simple sens commun nous tiendrait lieu de Code :

Il ne faudrait point tant de frais ;

Au lieu qu’on nous mange, on nous gruge,

On nous mine par des longueurs ;

On fait tant, à la fin, que l’huître est pour le juge,

Les écailles pour les plaideurs.

 

      Les Frelons et les Mouches à Miel (Fables de La Fontaine) - Livre 1- Fable 21 -

 

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  Cette Fable est sans conteste une critique du système judiciaire, critique qui semble intemporelle. La dispute oppose Abeilles et Frelons qui se prétendent tous deux auteurs de "quelques rayons de miel". Mais comment le juge (ici représenté par la Guêpe) peut-il reconnaître l'auteur véritable? Il demande tout d'abord des témoignages. mais chaque camps à ses défenseurs : "Les témoins déposaient qu'autour de ces rayons Des animaux ailés, bourdonnants, un peu longs, De couleur fort tannée et tels que les Abeilles, Avaient longtemps paru. Mais quoi ! dans les Frelons Ces enseignes étaient pareilles". (v.7-11). Les témoignages s'opposent et ne permettent donc pas au juge de rendre un bon jugement. Les contradictions obligent le juge à voir qui, parmi les protagonistes, peut produire un miel de cette qualité : "On verra qui sait faire avec un suc si doux" (v.26). Finalement on se rend rapidement compte que les auteurs de ce miel sont les Abeilles. Cette méthode devrait pouvoir être appliquée à tous les procès si l'on veut que la justice soit rendue plus rapidement. "Le simple sens commun nous tiendrait lieu de Code ; Il ne faudrait point tant de frais ; Au lieu qu'on nous mange, on nous gruge, On nous mine par des longueurs : On fait tant, à la fin, que l'huître est pour le juge, Les écailles pour les plaideurs." (v.33-38). III. Que faut-il en conclure ? Le système judiciaire tel qu'il est décrit dans cette Fable par Jean de la Fontaine n'a finalement pas tant évolué que ça. C'est encore de ces Fables intemporelles qui semblent pouvoir s'appliquer à toutes les époques. Finalement c'est le juge qui profite des longueurs de la justice.

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Les frelons et les mouches à miel...
Les frelons et les mouches à miel...

Publié dans Fables

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